LA PRINCESSE DISPARUE
En chemin, j’ai raconté une histoire qui a provoqué chez tous ceux qui l’ont entendue une réflexion sur la Téchouvah.
Il était une fois un roi qui avait six fils et une fille. Cette fille lui était très chère, il l’aimait beaucoup et se trouvait souvent en sa compagnie. Un jour qu’ils étaient ensemble, il se mit en colère contre elle et ces mots s’échappèrent de sa bouche : ” Que le ‘Pas Bon’ t’emporte! “ Le soir venu, elle regagna sa chambre. Au matin, on ne la trouva pas. Son père fut très triste et la chercha partout. Voyant cela, le Vice-Roi se présenta devant le roi et demanda qu’on lui donnât un serviteur et un cheval, de l’argent pour ses dépenses et il partit à la recherche de la princesse. Il la chercha pendant très longtemps et finit par la retrouver.
Voici comment :
Il partit longtemps. Il la chercha dans les déserts, les champs et les forêts. Alors qu’il traversait un désert, il remarqua un chemin sur le côté de sa route. Il se dit : ” Je voyage depuis si longtemps et pourtant je ne peux la retrouver. Je vais emprunter ce chemin et j’atteindrai peut-être un endroit habité.”
Il suivit le chemin et arriva en vue d’un château. Autour du château, qui était très beau, se tenaient des soldats bien rangés. Il craignait que les soldats ne l’empêchent d’y pénétrer, mais il se risqua à essayer. Il laissa son cheval, se dirigea vers le château, et on le laissa entrer. Il alla d’une pièce à l’autre et personne ne se mit en travers de sa route. Il arriva à un palais où trônait un roi couronné. Autour du roi se tenaient des soldats ainsi qu’un grand nombre de musiciens. Tout était magnifique. Personne ne lui posa de questions, pas même le roi. Apercevant des mets succulents, il en mangea puis partit s’allonger dans un coin pour voir ce qui allait se passer.
Il entendit le roi ordonner que la reine vint ; ce qui fut fait. Lorsque la reine arriva, des cris d’allégresse retentirent et les musiciens jouèrent et chantèrent. On lui installa un siège et on la fit asseoir à côté du roi. En la voyant, le Vice-Roi reconnut la princesse. Celle-ci promena son regard sur la salle et remarqua quelqu’un allongé dans un coin.
Elle le reconnut, se leva, se dirigea vers lui, le toucha et lui demanda : - Me connais-tu ? - Oui, je te connais. Tu es la princesse qui a disparu. Que fais-tu ici ? - Je suis ici à cause des paroles qui ont échappé à mon père. Et l’endroit du ” Pas Bon “, c’est ici. Il lui dit alors que son père était très triste et l’avait cherchée durant de nombreuses années. Il lui demanda :
– Comment puis-je te faire sortir d’ici ? - Tu ne pourras le faire que si tu choisis un endroit où rester pendant un an et où tu devras te languir à cause de moi. Quand tu auras le temps, aies de la nostalgie, espère et souhaite me sortir d’ici. Jeûne. Le dernier jour de l’année, tu jeûneras aussi et tu ne dormiras pas pendant vingt-quatre heures. Il partit et fit ce qu’elle lui avait dit.
A la fin de l’année, le dernier jour, il jeûna et ne dormit point. Il se leva et se rendit chez la princesse pour la délivrer. Il aperçut un arbre sur lequel poussaient des pommes magnifiques. Il en eut très envie et en mangea. Dès qu’il eut mangé une pomme, il tomba et le sommeil s’empara de lui. Il dormit très longtemps ; son serviteur essaya de le réveiller, mais en vain.
Puis il s’arracha au sommeil et demanda au serviteur : ” Où suis-je? ” L’autre lui raconta toute l’histoire : ” Tu dors depuis longtemps, depuis tant d’années. Quant à moi, j’ai vécu de fruits. ”
Il eut beaucoup de peine. Il partit et trouva la princesse. Elle se plaignit beaucoup et fut très triste : ” A cause d’un jour, tu as perdu, parce que tu n’as pas su te retenir et que tu as mangé la pomme. En effet, si tu étais venu ce jour-là, tu m’aurais délivrée. Il est vrai que ne pas manger est très difficile, en particulier le dernier jour, car c’est à ce moment que le Yetser Hara (le mauvais penchant) est au comble de sa force. C’est pourquoi tu dois à nouveau choisir un endroit et y rester un an. Mais le dernier jour, tu pourras manger. Cependant, tu ne dormiras point, et tu ne boiras pas de vin afin de ne pas t’endormir, car l’essentiel est le sommeil. ”
Il partit et obéit à ce qu’elle avait dit. Le dernier jour, il repartit. Il vit une source qui coulait et dont la couleur de l’eau était rouge. Il demanda à son serviteur : ” As-tu vu ? C’est une source, ce devrait être de l’eau mais sa couleur est
rouge et son odeur est celle du vin. ” Il goûta un peu de la source. Aussitôt il tomba et s’endormit pour longtemps, soixante-dix ans. De nombreux soldats passèrent par là avec leurs chariots ; le serviteur se cacha pour ne pas être vu. Puis vint un chariot où se tenait la princesse. Elle s’arrêta près du Vice-Roi et descendit. Elle s’assit à côté de lui, le reconnut et tenta de le réveiller, mais en vain. Elle commença à le plaindre : ” Après tant d’efforts, tant de peine, après tant d’années pendant lesquelles tu as souffert et souffert pour pouvoir me délivrer, voici qu’à cause d’un jour où tu aurais pu me délivrer, tu as tout perdu. ” Elle pleura abondamment et reprit : ” Quel dommage pour toi et pour moi ! Je suis ici depuis si longtemps et ne puis sortir. ” Puis elle prit le foulard qui recouvrait sa tête, écrivit dessus avec ses larmes et le posa à côté de lui. Elle se releva, remonta dans le chariot et s’éloigna.
Plus tard, il se réveilla et demanda à son serviteur : ” Où suis-je donc? ” L’autre lui raconta toute l’histoire. Tant de soldats étaient passés, il y avait eu un chariot ; elle avait pleuré sur son sort et s’était lamentée : ” Quel dommage pour toi et pour moi ! “ Pendant ce temps, le Vice-Roi regardait autour de lui et aperçut le foulard. Il demanda au serviteur : ” D’où vient ceci ? ” L’autre répondit : ” Elle a écrit dessus avec ses larmes et l’a posé ici. “ Il prit le foulard et le tint en face du soleil. Il distingua des lettres et lut ce qui était inscrit, ses pleurs et ses lamentations. Il y était écrit qu’elle n’habitait plus dans le même château et qu’il devait à présent chercher un château de perles sur une montagne d’or, ” là tu me trouveras. ” Laissant son serviteur, il partit seul à sa recherche. Il marcha et la chercha de nombreuses années. Etant expert en cartes, il réfléchit au fait qu’un château de perles et une montagne d’or ne se trouvaient certainement pas dans un endroit habité. ” J’irai donc chercher dans les déserts. ” Et il partit à sa recherche dans les déserts durant de nombreuses années.
Un jour, il vit un homme très grand, d’une taille surhumaine, et qui portait un gros arbre. L’homme demanda : - Qui es-tu ? - Je suis un homme, répondit-il.
– Cela fait longtemps que je vis dans le désert et je n’y ai jamais vu d’hommes, s’étonna le géant. Le Vice-Roi lui raconta toute son histoire et lui dit qu’il cherchait une montagne d’or et un château de perles. L’autre lui répondit que cela n’existait certainement pas et il le dissuada de chercher, ajoutant : – On t’a sûrement raconté des sottises, car de telles choses n’existent pas. - Cela existe, c’est sûr, cela doit se trouver quelque part, répondit le Vice-Roi en pleurant L’homme sauvage le dissuada de chercher, disant : - On t’a raconté des sottises ! - Cela existe sûrement quelque part, répondit le Vice-Roi. - A mon avis, ce sont des sottises, mais puisque tu insistes, je vais t’accorder une faveur. Je règne sur les bêtes sauvages et je vais les appeler. Elles parcourent le monde entier et peut-être l’une d’elles connaît-elle la montagne et le château. Il convoqua toutes les bêtes sauvages, grandes et petites, et les interrogea. Elles répondirent toutes qu’elles n’avaient jamais vu de telles choses. Il lui dit : - Tu vois bien qu’on t’a raconté des bêtises. Ecoute-moi, retourne-t-en car tu ne trouveras certainement pas de telles choses qui n’existent nulle part. Le Vice-Roi insista encore et encore : - Cela existe certainement. - J’ai un frère dans le désert qui règne sur tous les oiseaux. Peut-être savent-ils, étant donné qu’ils volent haut dans les airs. Peut-être ont-ils vu la montagne et le château. Va voir mon frère et dis lui que c’est moi qui t’envoie.
Il se mit en route et après de nombreuses années, il rencontra à nouveau un géant qui portait lui aussi un arbre. Le géant lui posa la même question que le premier. Il lui répondit, raconta toute son histoire et dit que c’était son frère qui l’envoyait. L’autre essaya à son tour de le dissuader de chercher, disant que de telles choses n’existaient pas. Mais le Vice-Roi l’implora :
– Cela existe sûrement. - Je règne sur tous les oiseaux. Je vais les appeler ; peut-être savent-ils quelque chose. Il les appela et les interrogea tous, petits et grands. Ils répondirent à l’unanimité qu’ils ne savaient rien de la montagne et du château. - Tu vois, cela n’existe nulle part. Ecoute-moi, retourne-t-en, car cela n’existe pas. Le Vice-Roi insista beaucoup et dit : - Cela existe certainement quelque part !
– Plus loin dans le désert vit mon frère. Il règne sur tous les vents qui parcourent le monde. Peut-être savent-ils, lui répondit l’autre.
Il partit à sa recherche pendant de nombreuses années. A nouveau il rencontra un géant qui portait un gros arbre et l’interrogea. Il lui raconta toute l’histoire. Ce géant, lui aussi, le dissuada de chercher mais le Vice-Roi l’implora. Alors, l’autre lui dit qu’il lui accorderait une faveur. Il allait convoquer tous les vents et les interroger. Il les appela et tous les vents arrivèrent. Il les questionna tous. Aucun ne connaissait la montagne et le château. Le géant dit au Vice-Roi :
– Tu vois qu’on t’a raconté des sottises. - Je sais que cela existe, répondit le Vice-Roi en pleurant abondamment. Cependant, un vent venait d’arriver. Le gouverneur des vents le gronda : - Pourquoi es-tu en retard J’avais ordonné à tous les vents de venir ! Pourquoi n’es-tu pas venu avec eux ? - Je suis en retard parce que j’ai dû transporter une princesse vers un château de perles sur une montagne d’or, répondit le vent. Le Vice-Roi fut très content d’avoir mérité d’entendre ce qu’il désirait entendre. Le gouverneur des vents demanda au vent : - Qu’y a t il là-bas ? - Des choses précieuses. Là-bas, tout est précieux, répondit-il. Alors, le gouverneur des vents dit au Vice-Roi : - Puisque cela fait si longtemps que tu la cherches, que tu as fait tant d’efforts et que tu auras peut- être besoin d’argent, je vais te donner un vase ; si tu y plonges la main, tu en retireras de l’argent. Puis il donna l’ordre au vent de le conduire là-bas. Un vent de tempête se leva et emporta le Vice-Roi jusqu’à la porte où se tenaient des soldats. Ils ne voulurent pas le laisser entrer dans la ville. Il plongea la main dans le vase et en sortit de l’argent. Il soudoya les gardes et entra dans la ville. C’était une belle ville. Il se rendit chez un homme riche et paya la pension car il devait y rester quelque temps. En effet, il lui fallait toutes les ressources de son intelligence pour délivrer la princesse.
Et Rabbi Na’hman ne nous a pas raconté comment il la délivra. A la fin, il la délivra. Amen. Sélah.
0 commentaires