Jusqu’a l’âge de quarante ans, rabbi Akiva était un ignorant qui détestait les Sages, car il ressentait qu’ils se glorifiaient sur le compte des ignorants. Il avait coutume de dire: “Qu’on m’amène un sage et je le mordrai comme un âne.” Pourtant, en dépit de son ressentiment envers eux, il craignait D. et était vertueux. Pour gagner sa vie, il faisait paître le troupeau du richissime Kalba Savoua. La fille de ce demier, Ra’hel, pressentit l’extraordinaire potentiel du simple berger dans son humilité et ses vertus, et elle lui dit: “Je suis préte à devenir ta femme, si tu t’engages à étudier la Tora.” Rabbi Akiva accepta et Rahel se maria secrétement avec lui, sachant que son pére ne consentirait jamais que son honorable fille épouse un simple berger, ignorant de surcroit. Lorsque Kalba Savoua eut vent de l’action de sa fille, il la déshérita dans un accès de colére.
Rahel accepta sa décision avec amour et vécut avec son mari dans l’indigence, habitant dans une grange à foin. Rabbi Akiva voulait étudier, mais ignorait même la forme des lettres. Rahel lui dit: Prends ton enfant et demande à son maître qu’il vous apprenne l’alphabet. Mais rabbi Akiva eut honte et dit à sa femme : Je serai la risée de tous ! un homme de quarante ans qui s’assied avec des enfants pour apprendre ? Rahel lui répondit avec sa sagesse : On s’habitue à tout. On rira de toi un moment, puis on n’y fera plus attention. L’essentiel étant que tu étudies la Tora, comme tu me l’as promis. Elle ajouta: Viens, je vais te montrer qu’on s’habitue méme à la chose la plus bizarre qui soit. Prends ton âne et remplis de terre le milieu de son échine. ll agit comme elle avait dit et Rahel planta toutes sortes de plantes sur l’échine de l’âne, puis elle dit à rabbi Akiva : Conduis ton âne dans la rue. Rabbi Akiva s’exécuta et bien entendu tout le monde s’amusa à la vue d’un âne avec un potager sur le dos.
Le lendemain, Rahel lui demanda de ressortir avec l’âne et les gens s’amusérent encore beaucoup à la vue de ce Spectacle insolite. Elle envoya son mari jour aprés jour, jusqu’à ce que tous s’habituent à cet âne étrange et que plus personne ne le regarde. Rahel dit alors à rabbi Akiva : C’est comme je l’avais dit, on s’habitue à tout. Maintenant, va étudier l’alphabet avec ton jeune fils auprés de son maître. Et rabbi Akiva alla apprendre l’alphabet. ll existe d’ailleurs un Midrach intitulé “Les lettres de rabbi Akiva” qui est entièrement composé des nombreuses exégéses que rabbi Akiva a innové sur chaque lettre de l’alphabet.
Ensuite, Rahel envoya rabbi Akiva à l’école du plus grand maître de la génération, en un lieu éloigné. Rabbi Akiva étudia là-bas pendant douze ans, jusqu’à ce qu’il devienne un grand maître, puis il revint dans sa ville, accompagné de douze mille disciples. Lorsqu’il s’approcha de la porte de sa maison, il entendit un des voisins agacer sa femme en lui rappelant que son mari l’avait abandonné depuis de nombreuses années. Il lui disait: Jusqu’à quand seras-tu la veuve d’un vivant ? Rabbi Akiva entendit la réponse courageuse de Rahel à cet impie: S’il m’écoutait, qu’il reste encore douze ans à la maison d’études. Rabbi Akiva comprit que c’était son authentique désir. Il rebroussa chemin et étudia pendant douze années supplémentaires. Aprés vingt quatre ans, il revint finalement dans sa ville, accompagné de vingt quatre mille disciples. Lorsque Rahel apprit que son mari revenait prestigieusement dans sa ville, elle sortit l’accueillir. Remarquant que par sa grande pauvreté, elle allait accueillir son mari en haillons, ses voisines lui proposérent d’emprunter de beaux habits. Mais elle répondit (Proverbes 12:10): “Le juste connait le besoin de son bétail” signifiant que son mari connaissait sa pauvreté, qu’il savait qu’elle provenait de son sacrifice pour l’étude de la Tora et qu’elle n’en éprouvait aucune honte. Arrivée devant rabbi Akiva, elle se jeta à ses pieds. Pensant qu’elle était une étrangére, ses disciples voulurent l’écarter de leur saint maître. Mais rabbi Akiva leur dit : “Laissez-la ! Toute ma Tora et la vôtre lui appartiennent !”
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