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Leibele, le cordonnier

Afin d’illustrer ce qui précéde, voici une histoire authentique et édifiante :

C’est une nuit de Pessa’h. Autour de la sainte table de rabbi Aharon le grand de Karlin, de mémoire bénie, tous ses disciples sont réunis dans une ardente et sainte révérence. Il est inutile d’insister sur la joie et l’enthousiasme qui accompagne la féte (Seder) de Pessa’h chez l’un des plus grands maitres de la ‘Hassidout.

Rabbi Aharon, de mémoire bénie, conduit le Seder selon les indications du Ari zal et les hassidim goûtent presque à la saveur du monde futur, comme s’ils participaient eux-mêmes, maintenant, à la sortie d’Egypte en voyant les miracles et prodiges.

Les ‘hassidim remarquent que le rabbi devient silencieux, il ferme les yeux comme dans l’attente d’un événement mystérieux à venir. Les hassidim gardent eux aussi le silence tout en guettant leur maître. A la fin, rabbi Aharon se secoue avec un sourire aux lévres. Il montre sur son visage qu’il prend un grand plaisir à ce qu’il voit. Les hassidim l’interrogent : “Maître, dis-nous ce que tu vois, et pourquoi cette joie et ce sourire ?” Rabbi Aharon leur répond : “Vous savez certainement que notre Seder de Pessa’h est different de tous les autres, n’est-ce pas ? Sachez aussi que notre Seder, avec toute sa sainteté, est encore trés éloigné du niveau de celui que Leibele le cordonnier conduit en ce moment-même, qui fait grand bruit dans les Cieux et qui plait beaucoup au Saint béni Soit-ll”. Les hassidim s’étonnent : “Leibele le cordonnier ? Nous ne méprisons le Seder d’aucun Juif, que D. nous en préserve, et il est évident que l’accomplissement de tout le Seder de Pessah est une grande chose, mais Leibele est un homme simple. En quoi son Seder est-il si particulier qu’il dépasse celui de rabbi Aharon ‘le grand’ ?

Le rabbi leur répond : “Allez chez lui et rendez-vous compte par vous-mêmes”. Tous les ‘hassidim se rendent à la maison de Leibele le cordonnier pour voir quel Seder de Pessa’h spécial il accomplit, qui cause tant de plaisir et de joie à leur maître et qui fait tant de bruit dans les Cieux.

Arrivés à la maison de Leibele, les hassidim qui se tiennent silencieusement à la fenêtre, observent à l’intérieur et ce spectacle se révéle à eux :

Leibele, qui n’a pas encore commencé le Seder, se tient debout, avec un plateau de pains azimes (Matsoth) entre les mains, en face de sa femme et il lui dit : “Ma chére femme, ma couronne, viens faire le Seder de Pessa’h qui n’a lieu qu’une seule fois par an. C ’est une grande nuit qu’il est dommage de gacher”.

L’épouse de Leibele se tient face à son mari, bouillante de rage; elle se saisit du plateau et hurle : “Non ! Tu ne feras pas le Seder de Pessa’h !”

Leibele lui répond avec douceur et gentillesse, sans aucune colére: “Ma chére femme, mon trésor, je t’ entends, je veux que tu saches qu ’il n’existe aucune femme comme toi dans le monde entier et je remercie chaque jour HaChem de m’être marié avec toi. Je te prie de venir et faisons le Seder ensemble. C’est dommage de le gacher. L’accomplissement du Seder infiucence sur toute l’année a venir. C’est une nuit réservée pour Hachem La Présence divine y est différente de toute l’année” .
Sa femme hurle, “Je t’ai déjà dit qu’on ne fait plus de Seder ce soir !” et elle ramméne le plateau à la cuisine.

Leibele prie alors silencieusement : “Maître du monde que Ton nom soit glorifié, je Te remercie pour ces empêchements, car tout vient de Toi. Maître du monde, aie pitié de moi puis-je mériter de faire le Seder de Pessah. Je sais que c’est Toi qui le retarde, non pas ma femme. Maître du monde, pardonne-moi, excuse-moi”.

La femme de Leibele revient de la cuisine et crie : “Pourquoi me regardes-tu comme ca ? Tu ne cesses pas de me faire souffrir, quelle erreur de t’avoir épousé !”

Leibele se toume vers sa femme avec amour: “Ma chére femme, tu n’as pas idée de combien je t’aime. Tu es la plus belle chose qui m’est jamais arrivé dans la vie. Qu’est-ce qui te fait souffrir ? Dis-le moi et je ferai tout pour te faire plaisir. J’achéterai ce que tu désires. Je te prie de me laisser organiser le Seder. Celui qui prolonge le récit de la sortie d’Egypte est louable, et le temps passe ; viens mon âme, faisons ensemble le Seder et réjouissons nous de la féte”.

Leibele s’approche de la cuisine pour rapporter le plateau, tout en priant : “Hachem béni sois-tu, puis-je mériter de savoir que tu me mets à l’épreuve, et l’essentiel de cette épreuve consiste à voir si je tombe dans l’hérésie de penser que c’est ma femme qui me retarde, d’utiliser la force, de l’humilier et me mettre en colére ; ou bien de croire qu’il n’existe rien hormis Toi, et que ce n’est pas ma femme qui m’empéche de réaliser le Seder de Pessa’h, mais bien Toi.

Je Te prie de m’aider à maitriser ma colére et de savoir que même si je ne fais pas le Seder de Pessa’h, il est plus important de he pas faire souffrir ma femme et de ne pas me mettre en colére. Aide-moi à être joyeux, même si je ne parviens pas à réaliser 1% du Seder. Aide-moi à savoir que Tu attends de moi de passer par cette épreuve de la foi, que Tu es celui qui fait obstacle, que je ne me mettrai pas en colére, je ne m’énerverai pas, et que j’accomplirai Ta volonté avec joie en croyant que c’est Toi qui fait obstacle que je ne me mets pas en colére ni ne suis énervé”.

Leibele rapporte le plateau et le pose sur la table. Sa femme raméne à la cuisine en criant : “Je te l’ai déjà dit, tu ne feras pas le Seder, impie ! Je te montrerai ce que c’est. Tu ne cesses de me faire souffrir”.

Sans la moindre colére, Leibele apaise sa femme et parle à son coeur : “Comme je te comprends, ma chére femme, je comprends ta grande douleur. Je t’aime tant que j ’éprouve une grande douleur pour le mal que tu éprouves à cause de moi. Je suis coupable de tes souffrances. Je te promets d’étre bon pour toi, dorénavant ; viens et faisons ensemble le Seder car minuit est presque passé et on ne pourra plus manger l’Afikoman (le pain azime mangé en souvenir du sacrifice de Pessa’h qu’on consommait avant minuit à l’époque du Temple)”. Puis, il prie HaChem : “Maître du monde, donne-moi la raison et la connaissance qu’il n’existe rien hormis Toi. Car c’est par Ta volonté que je passe par cette épreuve de la foi. Je pensais que ma tâche était de conduire le Seder de Pessa’h, mais je vois que Tu attends de moi un autre culte : l’épreuve de la foi de ne pas me mettre en colére et de ne pas m’énerver. Aie pitié de moi, que je sache qu’il est plus important de maitriser la colére plutôt que de faire le Seder. Car l’essentiel est de ne pas profaner la foi en se mettant en colére car sinon, je commets une faute entre l’homme et son prochain. Si je blesse ma femme, que D. nous en préserve, aucun repentir n’est utile si elle ne me pardonne pas de tout son coeur. Aie pitié de moi et inspire-moi des paroles d’apaisement qui attendrissent son coeur et calme sa peine et son courroux. Aide-moi à lui faire plaisir et à réaliser le Seder de Pessah”.

Ce spectacle se poursuit durant six heures ! Leibele apaise sa femme avec des mots d’amour, supplie HaChem, et sa femme hurle et la méprise. Soudain, sans aucune raison apparente I’humeur de sa femme change complétement ! Elle devient joyeuse et gaie , elle presse son mari de s’asseoir et d’accomplir le Seder ! Label le cordonnier et sa femme s’apprétent à accomplir le Seder de pessah et elle lui sert des mets succulents avec amour et une grande joie.

Il est nécessaire de souligner qu’à cause du peu de temps qui reste avant l’aurore, Leibele et sa femme sont contraints de terminer le Seder promptement. Ils mangent les matsots, boivent les coupes de vin en grande hâte et lisent la Hagada en avalant les mots. Aprés la conclusion du Seder, ils se reposent et reprcnnent leur haleine : ils sont contents.

Aprés avoir suivi toute la scéne en retenant leur souffle, les hassidim respirent maintenant à l’aise. Finalement, tout est pour Ie mieux, tout s’est transformé en bien. En vérité, ils ne croyaient pas que les choses s’arrangeraient et ils étaient persuadés qu’à un certain moment, Leibele perdrait son sang-froid et sa patience. Mais à présent ils comprennent que Leibele leur a donné une leçon de foi. Ils savent aussi que le Seder de Pessa’h de Leibele même s’il fut conduit avec la rapidité de l’éclair est dix fois plus élevé que leur propre Seder, effectué dans le calme et la sérénité.

Un commandement réalisé sans probléme a moins de valeur que celui qui nécessite de surmonter de grands obstacles. Rien ne vaut le mérite de surmonter des obstacles pour accomplir un commandement dans la priére, le repentir, sans force ni menaces, mais dans la compréhension, l’apaisement, l’amour et le respect. Et il est certain que Leibele a merité cette nuit-la d’atteindre de trés hauts niveaux dans son service d’Hachem, ce qui est impossible dans les circonstances, où tout se passe dans l’ordre et sans aucun empéchement.

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